Chaire ODTSU

Contextualisation

Ce projet s’intéresse à la ville, son organisation et son fonctionnement à travers le rôle des objets dans nos activités individuelles et collectives. Il postule que toute activité humaine est instrumentée. En effet, l’être humain vit, agit et interagit avec les autres et son environnement par l’intermédiaire d’une multitude d’objets et de dispositifs techniques. Ces derniers conditionnent les activités individuelles et collectives, influencent les possibilités et les capacités d’action.

Les objets et dispositifs techniques nous rendent capable d’agir et peuvent nous différencier par nos capacités. Par exemple, disposer ou pas d’un smartphone différencie les actions possibles, à commencer par assurer la permanence de ses relations sociales à travers les distances, ou simplement prélever de l’information sur la disponibilité d’une marchandise dans un magasin, ou encore gérer un agenda en flux tendu… Disposer d’une carte ou d’un GPS, n’offre pas les mêmes possibilités de voyager, même si l’un et l’autre des instruments cartographient le monde et permettent de s’y diriger. Ils n’offrent pas les mêmes possibilités d’y trouver son chemin : chacun constitue à sa façon des opportunités de se déplacer et de maîtriser son déplacement.

En contexte urbain, ce constat est encore plus flagrant, l’urbanisation en elle-même se caractérisant par un assemblage de bâtiments, infrastructures, réseaux en tous genre, mais aussi objets et dispositifs techniques variés, du lampadaire à la borne de recharge pour véhicule électrique en passant par les tramways ou les bordures de trottoirs, etc. De cet assemblage complexe et familier dépend la qualité de vie en milieu urbain. L’urbanisation est en effet dépendante du développement des dispositifs techniques et spatiaux qui la conditionnent, la façonnent au quotidien et la renouvellent sans cesse. À l’heure d’une urbanisation généralisée, cette instrumentation de l’activité humaine devient de plus en plus massive.

Peut-on agir sans disposer d’un environnement aménagé d’objets ou de dispositifs techniques et spatiaux ? Tel est le questionnement de ce programme de recherche qui pose, en conséquence, que tout changement des comportements, des usages, de pratiques, individuels et collectifs, est d’abord changement dans la mobilisation des objets et dispositif technique et spatiaux : apparition de nouveaux objets, nouvelles ouvertures pratiques proposés par des objets existants, etc.

Les objets participent de notre capacité d’agir, ils peuvent autant l’étendre que la restreindre. Il s’agit donc de penser le changement, la transition dans le contexte contemporain, à partir des objets nécessaires aux actions et activités qui l’orientent. La ville et l’urbain sont sans doute aujourd’hui les lieux par excellence de la plus grande disponibilité des objets.

Marcher dans la rue, mais aussi courir, parler, discourir, professer, se rendre à son travail, en partir, habiter, recevoir des amis, cuisiner : aucune de toutes ces activités ne peut s’exercer sans la mobilisation de très nombreux objets et dispositifs techniques et spatiaux. Ce sont les rues, trottoirs, aménagements, signalétique, moyens de transports, et tous leurs accessoires, des appartements, des meubles, des ustensiles, etc. Ainsi, la seule description des objets nécessaire au fait de « marcher dans la rue » implique de décrire la ville entière comme ensemble d’objets reliés, articulés, formant un système, un milieu, un environnement. La moindre activité requiert une grande quantité d’objets qu’il a fallu fabriquer, assembler.

Ces objets sont plus ou moins spécialisés : ce sont les ustensiles, les habits, les outils, les instruments, les appareils, les machines, les réseaux, les constructions, les architectures, les aménagements, etc1 .). Ces objets sont toujours impliqués dans nos activités et actions : ils nous permettent d’agir dans nos activités quotidiennes. En ce sens ils participent directement des processus de socialisation.

Si les objets et dispositifs techniques participent de nos capacités d’action, ils participent directement des processus de socialisation : comment les objets font sociétés ? Les caractéristiques des sociétés sont-elles déterminées par les objets qui sont produits et usés en leur sein ? Les objets et dispositifs techniques peuvent-ils induire (ou pas), orienter (ou pas), conditionner (ou pas), déterminer (ou pas) des comportements vertueux du point de vue environnemental, social, économique, politique ?