Compte-rendu de la Journée de revue croisée R&D ADEME / IMREDD / LabEx IMU (10 octobre 2018)

Le 10 octobre 2018, s’est tenue à l’ADEME Sophia Antipolis la seconde journée de revue croisée des projets R&D ADEME – Labex IMU qui avaient initié une première journée de ce type en 2017. Cette année a été associé un acteur majeur de la recherche urbaine en PACA qu’est l’IMREDD (Institut Méditerranéen du Risque, de l’Environnement et du Développement Durable).

Les quelques 60 participant.e.s ont assisté à trois séquences de présentations courtes de projets :

  • l’échelle micro de l’adaptation au changement climatique

  • la participation citoyenne via les outils numériques

  • le numérique comme objet

1ÈRE SÉQUENCE

La première séquence portait sur l’adaptation urbaine au changement climatique, de trois manières assez différentes.

Valéry Masson (Centre National de Recherches Météorologiques, CNRM - UMR 3589) a fait un retour sur le projet PAENDORA (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION), Planification, Adaptation et Energie : Données territoriales et accompagnement (ADEME, MODEVAL URBA, 2017-2020). Il a évoqué l’objectif de généralisation d’une base de données urbaines libre pour les études climat-énergie et de conception de méthodes d’accompagnement des acteurs urbains. A été rappelé l’ancrage de ce projet dans un projet antérieur, MApUCE (projet ANR VBD), qui visait l’intégration dans les politiques urbaines et les documents juridiques les plus pertinents de données quantitatives de microclimat urbain, climat et énergie. La discussion à partir de ce projet, autour de la micro-climatologie, a suscité des questions sur les algorithmes utilisés pour la segmentation des îlots, l’échelle pertinente et la maille en deçà de l’IRIS, les données libres issues de la plateforme MApUCE et les outils de modélisation en opensource.

Lucie Merlier (CETHIL, LabEx IMU) et Didier Soto (EVS, LabEx IMU) ont fait un retour sur le projet EPOC, Établissement d’une politique locale d’adaptation au changement climatique : constitution d’un observatoire hors murs (AAP IMU, 2014-2016) (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION) en en rappelant la méthode et les questions terminologiques. Ensemble et de façon complémentaire, ils ont fait le récit d’une démarche complexe, celle de l’invention méthodologique d’une étude très fine de micro-climatologie urbaine, intégrant les savoirs expérientiels et d’usage, d’un côté, la modélisation à l’échelle du quartier (notamment sur la base d’un indice de vulnérabilité pour identifier des quartiers vulnérables) et du bâtiment avec le logiciel SOLENE, d’autre part. Ces deux approches ont convergé notamment au cours de campagnes de mesures participatives et de la préfiguration d’une structure d’observatoire consolidée, qui est encore en cours.

Lucie Merlier et Didier Soto

Pierre-Jean Barre, directeur de l’IMREDD, a ensuite présenté le projet H2020 IRIS (2017-2022) (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION). À partir de ce terrain d’expérimentation sur le bâtiment en construction qui sera le siège de l’IMREDD, intégrant bâtiments, équipements et outils énergétiques – panneaux, batteries, bornes de recharge – ce projet envisage de manière singulière de faire progresser l’analyse et la stratégie autour de « la smart city méditerrannéenne et son environnement ». De façon tout à fait singulière également, le volet social de la Smart city est entièrement contenu dans une Chaire dénommée « Smart City Philosophie et Éthique », rattachée à l’IMREDD et basée à l’Université Côte d’Azur. L’importance de la réplicabilité d’un tel projet a fait l’objet d’échanges avec la salle.


 

2ÈME SÉQUENCE

Un second temps, d’une heure également, scandé par trois courtes présentations, avait pour objet la participation citoyenne via les outils numériques, au sein des projets de recherche.

Alain Renk, architecte-urbaniste (Agence Host), a proposé un point d’étape du projet NUMCES (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION), Numérique et Création des Espaces urbains (APR MODEVAL URBA). Ce projet pose la question des voies par lesquelles le numérique transforme les lieux et les interactions citadins – lieux (urbains), dans une optique d’amélioration de la conception de projets urbains. La présentation du dispositif open source Unlimited Cities permet aux porteur.e.s du projet d’explorer les tensions entre le tout-numérique (BIM all over) et les besoins cruciaux de renouveler les formes de la participation de la société civile aux programmes de renouvellement urbain, sans focalisation sur les seuls outils techniques. Un ouvrage collectif est en préparation par le CSTB, sur la relation des lieux au numérique, sur les méthodes d’enquêtes et sur les évolutions possibles de la conception urbaine.

Clémentine Périnaud (Laboratoire EVS, LabEx IMU) a proposé une lecture du projet ALARIC (AAP IMU 2014-2017) (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION) et de sa démarche pluridisciplinaire, associant informatique, géographie sociale, aménagement et esthétique, pour co-construire un environnement 4D. La reconstitution de l’évolution du tissu urbain de plusieurs lieux emblématiques de la ville industrielle autour de Lyon et Saint-Etienne, s’est accompagnée de l’intégration d’un corpus documentaire et d’une représentation diachronique, dans une maquette évolutive. La démarche partenariale du projet remplit son objectif initial de deux manières : en proposant un outil de médiation en aménagement et en patrimoine et en valorisant, au sein de la communauté des chercheurs, l’image comme opérateur d’analyse du changement urbain, prenant notamment en charge une approche sensible de ces espaces. Transferts et perspectives de recherche à l’issue de ce projet vont dans le sens d’un développement de l’ingénierie participative et de poursuite de la réflexion sur les espaces d’interstice des métropoles.

Christine Voiron et Matteo Caglioni (Laboratoire ESPACE) et Marie Sévenet (EIFER EDF R&D) ont présenté le projet REACTIV’cities (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION) , Résilience urbaine en contexte de changement climatique. Ce projet est couplé à la plateforme CURTIS-CAVI qui a pour objectif à long terme une approche holistique et systémique de l’urbain. Cette interface web 3D, à terme interactive, modélise l’évolution du quartier Nice Meridia à 2030, en intégrant des simulations des espaces bâtis et non bâtis, ainsi que le calcul des coefficients de ruissellement et d’artificialisation. Le calcul des consommations énergétiques est élaboré selon les socio-milieux de SocioVision et la modélisation intègre l’occupation des bâtiments, décomposés par étages, activités, surfaces, types d’occupants. Toutes ces variables sont intégrées dans la plateforme ESRI CityEngine, interface 3D sémantique, prenant notamment en considération le bilan carbone des bâtiments.


 

3ÈME SÉQUENCE

Trois autres points de vue variés ont émaillé les trois présentations suivantes : le numérique comme objet ayant un impact environnemental sur les territoires ou outil dans une démarche réflexive et participative de recherche en sciences sociales.

Cécile Diguet (IAU Île-de-France) a présenté le projet ENERNUM, l’impact spatial et énergétique des data centers sur les territoires (projet lauréat de l’APR ENERGIE DURABLE, ADEME). Les data centers sont considérés comme point focal/nuxéal de la smart city. Les chercheur.e.s impliqué.e.s en abordent les conséquences spatiales, en termes d’insertion territoriale et paysagère, mais également d’impact énergétique, de nuisances locales. Des solutions d’approche urbanistique intégrée, de stockage pair à pair et de récupération de chaleur fatale sont esquissées.

Matthieu Adam (LAET, LabEx IMU) a proposé un aperçu du projet VELEVAL, Évaluation de la praticabilité à vélo des espaces urbains (AAP IMU 2017). Anthropologues, géographes, sociologues et informaticiens travaillent ensemble, avec des partenaires des collectivités territoriales et des associations d’usagers du vélo, à une appréhension plus précise de la cyclabilité des espaces urbains à partir d’un indicateur de cyclabilité théorique servant à élaborer des cartes et un diagnostic de cyclabilité. La cartographie des scores de cyclabilité théorique est enrichie et critiquée par une analyse découlant de la méthode pluridisciplinaire mise en place, combinant mesure des déplacements grâce aux traces GPS, analyse d’images mobiles issues de l’utilisation de caméras embarquées, entretiens de réactivation (les traces et les vidéos servent d’embrayeur aux discours des cyclistes). Les finalités du projet visent notamment à aider à la construction d’argumentaires et de doctrines pour les services des collectivités et de l’État, pour mieux prendre en compte les nouvelles pratiques cyclistes et le partage de l’espace public et hiérarchiser les stratégies de développement des aménagements cyclables.

A partir d’une question proche, la propension des territoires à accueillir des innovations de mobilité, notamment celle du véhicule électrique (VE), Christine Voiron et Gilles Voiron (Laboratoire ESPACE) et Marie Sévenet (EIFER), chercheur.e.s du projet CATIMINI (TÉLÉCHARGER LA PRÉSENTATION), Capacité des territoires à adhérer à la mobilité innovante, électrique & H2, ont privilégié une approche recensant les équipements des territoires, les besoins de déplacement, le système d’intérêt pour les ménages à s’équiper d’un VE ainsi que le contexte politique et économique local. Mobilisant données en open data et avis d’experts, ils proposent une typologie communale et une cartographie régionale mixant ces indicateurs en un indice de capacité globale s’appuyant sur des étiquettes énergétiques de mobilité de territoire, en appui à l’évaluation du potentiel d’une commune à intégrer la mobilité électrique. Ils vont plus en finesse, tout en mobilisant les mêmes canaux statistiques, vers une classification urbaine des quartiers, à l’échelle de l’IRIS, selon les potentiels de mobilité propre.


 

DISCUSSION GÉNÉRALE ET SYNTHÈSE

Un court temps de synthèse a clos la journée. Solène Marry de l’ADEME a présenté l’Appel à projets de recherche ModevalUrba 2019, ses objectifs et ses caractéristiques. Les objectifs de cette journée ont été atteints puisqu’elle a permis à des communautés de recherche de dialoguer, échanger autour des avancées de leurs projets respectifs voire envisager de futures collaborations. À noter que l’appel à projets de recherche MODEVAL-URBA 2019 de l’ADEME est ouvert et se clôt le 18 janvier 2018.

Daniela Sanna de l’ADEME a souligné combien cet appel constituait l’un des leviers d’action de l’ADEME pour innover, en confirmant une culture de la donnée, un souci de la pluridisciplinarité et de l’implication d’une composante territoriale, garantie d’opérationnalité.

Mélanie Atrux-Tallau, représentant le LabEx IMU a souligné que, la smart-city, mot valise s’il en est, est ici abordée par ses dimensions concrètes et techniques, sans faire l’économie de la place des citoyens, de l’éthique, de la participation des usagers de la ville, au moins au stade discursif. Les interfaces, espaces de dialogue et de confrontation, qu’elles soient numériques, institutionnelles ou conceptuelles, apparaissent en filigrane dans chacun des projets. Au fil de ces éclairages divers, a souvent été mentionné le fait que ces projets impliquent une gestion complexe et mobilisent des systèmes d’acteurs, au sens des sociologues de l’innovation.

La pluridisciplinarité de l’ensemble des projets présentés s’est révélée être une composante forte et revendiquée par les porteurs de projets, notamment au regard du sujet complexe que sont les systèmes urbains. Les sciences humaines et sociales (géographie culturelle, psychologie environnementale, urbanisme etc.) croisent les approches en sciences pour l’ingénieur (informatique, Sciences de l’information et de la communication, climatologie etc.). La question des données urbaines et de leur traitement par ces disciplines a fait l’objet de discussions (et a aussi fait l’objet d’un colloque pluridisciplinaire, c’est dire que les data, leur statut, leur mise à disposition, leur utilisation et leur interprétation sont questionnées). La question du numérique a également été sous-jacente à l’ensemble des présentations et au sein des discussions. Est-ce un impensé des politiques publiques (au-delà des traditionnelles applications de mobilités et connections wifi dans l’espace public) ?

Il est ressorti des présentations et des échanges que le concept de « smart city » est à élargir aux questions sociales et sociétales. Il est nécessaire que les travaux sur la ville ne soient pas que « smart » et « techno ». La Chaire smart city Philosophie et éthique, notamment, s’y emploie et l’ADEME porte cette vision d’une ville où le numérique vient en appui à la transition écologique. Les discours sur les progrès dans la ville sont plus orientés sur les valeurs sociales et environnementales plutôt que sur celles basées sur le numérique, le technique et la virtualité. Un sentiment de menace vis-à-vis du numérique dans la ville émerge des enquêtes. Les liens entre exclusion urbaine et exclusion numérique sont à questionner. Les échanges autour de la donnée ont tourné autour de ce qu’il va advenir des données collectées, des idéata c’est-à-dire les données telles qu’elles sont analysées. Il faut être attentif à ne pas faire de confusion entre l’échantillonage généré par l’appareil technique, la data, qui est finalement déjà un échantillon et l’idéata qui relève de la manière d’analyser ces données. Les outils présentés sont des outils libres et ouverts, à destination des concepteurs et des collectivités. Certains préfigurent la mise en place d’observatoires (observatoire local du climat, observatoire des pratiques cyclables en milieu urbain https://cyclops.hypotheses.org/).

La manière dont les collectivités sont impliquées dans les projets de recherche présentés démontre l’intérêt notamment des métropoles sur les questions de transition énergétique et climatique. Le caractère multi-acteurs et son intérêt s’est révélé récurrent au sein des projets présentés : en quoi le milieu de la recherche peut se nourrir de travaux conjoints avec des architectes, paysagistes, bureaux d’études, artistes, écrivains, centres sociaux pour ne citer qu’eux et qui ont une expertise des territoires étudiés.

En conclusion, il a été rappelé que les 3 thèmes de la culture de la donnée, de l’interdisciplinarité et la forte composante territoriale ont été récurrents lors des présentations et des échanges. Au vu de l’intérêt suscité, une journée de ce type sous un format à définir sera organisée en 2019.