Chaire de recherche collaborative "Habiter ensemble la ville de demain" - Axe 4

Innovations/réinventions dans l’habitat participatif en Europe

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L’évolution récente du logement dans les pays européens est marquée par l’entrée en force de formes de promotion immobilière se situant à l’écart des modèles dominants et notamment du binôme habitat social / promotion privée. Connues sous des appellations génériques imparfaites comme « le tiers secteur », « l’habitat non lucratif », nombre de ces initiatives reposent sur la participation des habitants, à diverses étapes de la promotion et / ou de la gestion des logements, ce qui explique la diversité des appellations dont se réclament ces opérations (habitat partagé, coopératives d’habitants, etc.). Toutes ont en commun une certaine ambition sociale pour refonder l’acte d’habiter, une vocation à apporter des solutions abordables de logement dans des pays où le marché est devenu inaccessible à bon nombre de ménages, et dans certains cas aussi, une capacité à répondre au défi énergétique et environnemental de la ville de demain. Dans certains pays, cette évolution va jusqu’à l’institutionnalisation de ces formes de promotion, à l’instar de la loi ALUR en France qui contient des dispositifs spécifiques pour l’habitat coopératif. Partout, ces initiatives amènent à reconsidérer la gouvernance de l’habitat, en mobilisant des acteurs associatifs, des citoyens, aux côtés des acteurs « traditionnels » que sont l’Etat, les collectivités, les bailleurs sociaux, les promoteurs privés, etc.

L’axe de recherche proposé vise à comprendre comment ces initiatives, qui incarnent une démarche de « Habiter ensemble » (à différentes échelles territoriales, de la cage d’escalier à un territoire métropolitain) prennent place dans le temps et dans l’espace. Spatialement ce foisonnement est transnational, tout en étant ancré dans le local, et indissociable du contexte national qui détermine le cadre légal et économique de la production immobilière :

  • Comment s’exercent les articulations, les échanges d’expérience entre les acteurs, les niveaux territoriaux qu’ils sollicitent et mobilisent ?
  • Comment se déroulent les transferts d’expériences d’un pays à l’autre, le fonctionnement réticulaire de ces expériences ?
  • Comment les acteurs parviennent-ils à « européaniser » la question du logement qui reste éminemment dépendante des ancrages nationaux ?
  • Comment "gérer" l’inscription dans le temps qui est paradoxale, car des initiatives d’habitat coopératif naissent aujourd’hui dans des pays où cette forme de logement est assise sur une histoire longue et où elle fut parfois dominante, mais sans pour autant s’inspirer de cette tradition ?
  • Pourquoi les formes juridiques et morphologiques de l’habitat coopératif sont-elles si difficiles à mobiliser ?
  • Pourquoi les acteurs en viennent-ils à « réinventer » des solutions existantes ?
  • Pourquoi ces formes d’habitat, par leur capacité à investir des espaces intermédiaires, par leur dimension participative et citoyenne, présentent-elles partout des aptitudes particulières pour lutter contre la fragmentation urbaine.

 

Objets empiriques et terrains :

Cet axe de recherche propose d’interroger ces réalités dans plusieurs situations nationales, reflétant la diversité de la question du logement en Europe et des initiatives apportant des réponses renouvelées au « vivre ensemble ».

  • Les co-locations à projet solidaire (dites « kaps ») en France sont des logements proposés en colocation aux étudiants au tarif de l’habitat social, en contrepartie d’une action des colocataires sur leur territoire de vie (dans des quartiers éligibles à la politique de la ville) dans les domaines de la culture, de l’environnement, etc L’Association de la Fondation Etudiante pour la Ville, opérateurs des kaps en France, s’est inspirée des kots à projets, en Belgique, pour implanter les kaps.
  • La Slovaquie et la Pologne font partie des anciens pays de l’est dans lesquels l’habitat coopératif prit en charge, au côté de l’Etat, une large partie de la construction de l’habitat urbain. Aujourd’hui, le contexte économique et politique néolibéral fragilise le secteur coopératif, et plus globalement l’accès à un logement abordable pour les ménages ; mais de nouvelles formes d’habitat participatif et non lucratif renaissent, dans certains cas au sein même des grands ensembles coopératifs hérités de l’ancien régime. En Autriche, l’évolution du tiers secteur de l’habitat amène à une complète reconfiguration des acteurs privés et publics et participe de la cohésion socio-spatiale de l’aire métropolitaine Vienne – Bratislava.
  • En Espagne, l’accession est quasiment l’unique voie d’accès au logement. Le chômage massif et la crise financière ont produit une situation de blocage économique et social, où des villes inachevées et vides coexistent avec des expulsions massives. L’habitat coopératif et non lucratif apporte-t-il une réponse pérenne ou conjoncturelle à cette situation ?

Cet axe est co-animé par deux doctorants conseils, Alexandre Albert et Diego Miralles Buil, dont les missions consisteront notamment à communiquer des résultats de recherches scientifiques auprès des partenaires praticiens de la Chaire.

 

Thèses de doctorat en cours :

Trois thèses sont en cours pour alimenter les travaux de cet axe :

Alexandre Albert : "Logement étudiant abordable et réduction des inégalités : recompositions territoriales autour des co-locations à projet solidaire (kaps) en Rhône-Alpes" -  (Financement région Rhône-Alpes, Arc 8, Université Lumière Lyon 2, démarrée en septembre 2014)


Diego Miralles Buil : "La reterritorialisation des politiques de logement en Espagne depuis les années 2000. Entre réaffirmation du rôle des régions et réappropriation citoyenne et locale de l’habitat" -  (Financement ministériel, Université Lumière Lyon 2, démarrée en septembre 2015).


Aurore Meyfroidt
 : "Le logement à but non lucratif dans la région métropolitaine Vienne-Bratislava : Recomposition d’une offre de logements alternative et fabrique métropolitaine" - (Financement ministériel, ENS de Lyon, démarrée en septembre 2012).