EDITORIAL : D’IMU.1 vers IMU.2
11 juin 2018
Le projet de LabEx IMU, né en 2012, arrive doucement à terme (2019). Sa suite, que nous espérons évidemment, devrait prendre le relais en 2020, dans la continuité de son positionnement, « Intelligences des mondes urbains », mais dont il est attendu qu’il mobilise les expériences accumulées, en termes de connaissances comme de modes opératoires, pour dessiner des lignes de fuite structurantes dans le paysage scientifique, en phase avec les questionnements et les modalités de la recherche urbaine les plus contemporains.
Rappelons pour mémoire les postulats scientifiques et opérationnels d’IMU.1. Le pari a été fait par les porteurs du LabEx, et avec eux les membres de sa communauté qui avaient pleinement participé de sa conception, de champs thématiques (risque, nature en ville, …) dont la saisie et la mise au travail requéraient une pluralité non seulement scientifique mais croisant acteurs académiques et acteurs praticiens. Sous ce dernier terme, la culture d’IMU désigne des acteurs hors du champ de la recherche, publics (collectivités territoriales, établissements publics…) et privés (associations, entreprises). Non pas évidemment sous la forme de consultance ou d’expertise ponctuelle, mais d’une véritable collaboration, au sens étymologique : du montage de la problématique de recherche à l’élaboration des matériaux et à leurs traitements et analyses.
Ce faisant, le pari d’IMU.1 a été de considérer que la « coupure » sciences/sociétés méritait de sortir de cette double polarité, conçue bien souvent de façon dissociée, alors même que concevoir la production de connaissances, hors de son temps – de son contexte historique, culturel, social et politique – revient à construire des forteresses de savoirs extraterritorialisées. La difficulté du raccord avec les mondes alentour se résolvant par la pratique de l’expertise (savoirs surplombant le décisionnel, en tous cas conçu comme tel) et celle de la « vulgarisation », terme éminemment complexe, pour un « grand public » dont on ne s’aventure guère d’ailleurs à identifier ce qu’il est… Le passage de la vulgarisation scientifique à la médiation du même nom constitue d’ailleurs une étape réflexive sur cette difficulté même, qu’IMU a commencé d’explorer.
Le pari d’IMU.1 en la matière est donc fort. Epistémologiquement plus radical que les pratiques pluri- ou interdisciplinaires plus classiquement mises en œuvre. Parce qu’il pose l’horizon d’attente de ces recherches sur une acculturation de ces deux sphères, par interconnaissance symétrique des pratiques, des savoirs et des savoir-faire, par formulation conjointe des enjeux et des problématiques. C’est par ce principe d’acculturation, progressive certes, qu’IMU comme Laboratoire d’Excellence, a fait le choix de prendre en charge les enjeux contemporains de l’urbain : pour que les projets et actions financés, touchant aux questions d’environnements, de mobilité, comme d’usages et de pratiques les lieux, puissent produire des résultats dont la pertinence, distanciée et objectivée, fasse sens, scientifiquement et politiquement. Nous entendons ici évidemment cette dernière catégorie comme l’instance partagée et le champ des choix possibles, engageant des collectifs, au plus près des enjeux posés.
A ce premier pari, s’adjoint nécessairement un second. Celui de faire travailler ensemble des pratiques scientifiques relevant de champs différents : sciences expérimentales, sciences de l’ingénieur ou sciences humaines et sociales. Ces partitions scientifiques ne sauraient évidemment, chacune dans sa sphère, rendre compte de la complexité des situations environnementales ou sociales et c’est déjà de longue tradition que dans chaque champ, la recherche a excédé les limites disciplinaires. Mais le pari ici n’est pas d’avoir suivi cette pente intellectuelle, intrinsèque à la dynamique des savoirs, mais bien d’élargir les mobilisations à une pluralité de champs scientifiques. En faisant travailler des écobiologistes avec des sociologues, des thermiciens avec des géographes, des archéologues avec des informaticiens, des aménageurs avec des hydrologues, … IMU.1 a promu une saisie plus large, plus complexe aussi, et donc plus originale mais également moins aisée, de la production de connaissances dans le champ de l’urbain. Le réel se discrétise rarement de lui-même. Seule la focale scientifique en découpe un morceau qu’elle investigue, avec son histoire, ses habitus conceptuels et méthodologiques et ses paradigmes. Pour répondre à un enjeu environnemental, les sciences du vivant ne sont évidemment pas suffisantes : elles sont nécessaires mais doivent se connecter aux sciences de l’ingénieur comme aux sciences sociales. Inversement, prendre en charge les agricultures urbaines, sur les toits ou dans les jardins partagés, ne peut prendre tout son sens qu’en convoquant des spécialistes des sols, des (micro)climats, des ethnologues, des sociologues, des historiens, des géographes, etc.. Non pas sur le mode de la juxtaposition et de la coexistence mais sur un mode réflexif, en tension, nécessitant la traduction des catégories et des modes opératoires (mesure, outillage, interprétations des données produites, … ).
Ce faisant, dans IMU.1, ces deux volets du pari sont intrinsèquement liés. C’est par la triangulation entre partenaires de recherche et par la vectorisation induite par la pluralité des statuts (scientifiques/praticiens) que sont produites des connaissances situées et appropriables, et que se font jour de nouveaux fronts de recherche. Il y a là une dynamique qui permet la mise en œuvre d’une autre conception de la connaissance (savoirs collaboratifs ou participatifs par exemple), qui fait connaître autrement ce que faire science veut dire – à l’intérieur comme à l’extérieur du monde académique -, qui reterritorialise la production des savoirs et enclenche autrement les postulats de recherche.
Ce pari donc, IMU.2 doit continuer de le porter : c’est sa signature dans le champ de la recherche urbaine. D’autres dispositifs sur le site Lyon-Saint-Etienne en ont repris le principe (Ecole Urbaine de Lyon et H2O), et d’autres peut-être encore à venir. Il ne s’agit donc pas d’en abandonner les valeurs ajoutées au profit d’un autre positionnement, mais au contraire d’en faire levier pour une nouvelle aventure collective. Pour ce faire, le Comité de pilotage d’IMU s’est doté des moyens pour en évaluer les résultats : en termes de collaborations scientifiques, de productions de connaissances comme de verrous à surmonter, ou encore d’innovations conceptuelles ou technologiques. Nous reviendrons vers notre communauté pour restituer et partager ses résultats.
Mais, en conservant ce principe, nous souhaitons également identifier avec vous les champs thématiques et les objets de recherche qui rassemblent de plus petits collectifs. Nous avons commencé de le faire lors de la journée IMU de mars 2O18, nous rencontrons les vice-présidents à la recherche des différents établissements comme les directeurs.trices d’unité. Nous vous avons sollicités par l’intermédiaire d’une enquête en ligne pour recueillir vos propositions et remarques. Nous en ferons une première synthèse lors de l’Assemblée générale qui se tiendra le 11 juin 2018 et que nous discuterons ensemble. Le projet IMU.2 ne pourra continuer de vous servir que si vous participez à son élaboration. En souhaitant très vivement votre participation, d’une manière ou d’une autre,
Bien Imusiennement,
Le Comité de pilotage IMU