Manuel APPERT

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Manuel Appert est maître de conférences en géographie à l’Université Lyon-2 et membre de l’UMR 5600 (Environnement, ville, société). Il est également photographe urbain. Ses travaux portent sur la fabrique de la métropole contemporaine. Il a récemment travaillé sur les conditions d’implantation et la régulation des tours à Londres, ainsi que sur les conflits suscités par leurs impacts sur le skyline des villes.
https://www.flickr.com/photos/manuel69/albums

Un géographe photographe
« Mon approche consiste à inventorier, à témoigner, mais aussi à transformer la matérialité des territoires urbains en objet esthétique. La construction du photographe-géographe que je suis s’est opérée par la façon dont j‘ai fait miens les enseignements qui m’ont été donnés, par mon acculturation à différents champs scientifiques aussi différents que la botanique et les études urbaines, mais aussi par certains pans des arts visuels comme la photographie, l’architecture et le design.

Ma pratique pourrait être résumée par la mise en saillance d’une globalité structurée par des compositions géométriques constituées de lignes et de plans qui mettent en scène et en perspective une globalité intelligible, des contrastes ou des indices que je considère comme révélateurs de l’espace de la ville photographié.

J’inscris ma pratique photographique entre approche documentaire et pictorialiste, dans une démarche d’illustration des territoires, particulièrement ceux des villes. Tour à tour, en fonction des finalités et des objets capturés, en fonction aussi des conditions in situ de la prise de vue, des choix de post-traitement, le curseur se déplace entre documentation et esthétisation du réel.

Chacune de ces photos renvoie à une situation dans laquelle le photographe-géographe que je suis a choisi de déclencher la prise de vue, tout en définissant son cadrage et son exposition. L’instant photographique a alors représenté un moment particulier où se sont cristallisées connaissances et représentations mentales. La matérialité n’a pas été seule responsable du déclenchement de la prise de vue. Il s’est plutôt agi d’une rencontre entre une matérialité et une multiplicité de savoirs scientifiques. Il s’agit d’un processus d’émergence d’un savoir sur l’espace esthétisé, où la connaissance savante se noue avec l’expérience et s’exprime à travers des dispositifs technico-esthétiques. »


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Espérer : High Hopes ? Granary Square, Stable Street, King’s Cross, Camden, septembre 2013 ©Manuel APPERT

Régénérer, verticaliser, gentrifier : La fabrique du Londres contemporain

La régénération contre la ville ?

La série de photographies témoigne de ce que j’ai considéré être formellement des espaces de la régénération à Londres, qu’ils soient transformés, en cours de transformation ou convoités.

Le dispositif de l’exposition repose sur des extraits de plusieurs reportages photographiques menés entre 2010 et 2016. Leur mise en récit par l’exposition acte la valeur ajoutée de la coprésence des photographies. Au-delà du sens de chacune d’entre elles, le tout donne à lire les moteurs, manifestations et incidences des opérations de régénération urbaine à Londres. Je donne à voir des indices à travers des morceaux choisis qui attirent l’attention sur les dimensions morphologiques, sociales et politiques du processus de renouvellement urbain.

Les photographies constituent des expressions fort médiatisées (suggestions) ou au contraire des témoignages très immédiats de la transformation des quartiers jugés obsolètes ou dégradés de la métropole en espaces de l’immobilier financiarisé et globalisé. La documentation des transformations urbaines se pare d’une dénonciation de la fabrique de la ville contemporaine, où l’urbanisme négocié avec le privé sonne aussi comme un renoncement des municipalités à maîtriser leur propre territoire.